Ce que c'est que l'amour de la république dans la démocratie

L'amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie ; l'amour de la démocratie est celui de l'égalité.

L'amour de la démocratie est encore l'amour de la frugalité. Chacun devant y avoir le même bonheur et les mêmes avantages, y doit goûter les mêmes plaisirs, et former les mêmes espérances : choses qu'on ne peut attendre que de la frugalité générale.

L'amour de l'égalité, dans une démocratie, borne l'ambition au seul désir, au seul bonheur de rendre à sa patrie de plus grands services que les autres citoyens. Ils ne peuvent pas lui rendre tous des services égaux : mais ils doivent tous également lui en rendre. En naissant, on contracte envers elle une dette immense, dont on ne peut jamais s'acquitter.

Ainsi les distinctions y naissent du principe de l'égalité, lors même qu'elle paraît ôtée par des services heureux, ou par des talents supérieurs.

L'amour de la frugalité borne le désir d'avoir à l'attention que demande le nécessaire pour sa famille, et même le superflu pour sa patrie. Les richesses donnent une puissance dont un citoyen ne peut pas user pour lui, car il ne serait pas égal. Elles procurent des délices dont il ne doit pas jouir non plus, parce qu'elles choqueraient l'égalité tout de même.

Aussi les bonnes démocraties, en établissant la frugalité domestique, ont-elles ouvert la porte aux dépenses publiques, comme on fit à Athènes et à Rome. Pour lors, la magnificence et la profusion naissaient du fond de la frugalité même ; et, comme la religion demande qu'on ait les mains pures pour faire des offrandes aux dieux, des lois voulaient des moeurs frugales, pour que l'on pût donner à sa patrie.

Le bon sens et le bonheur des particuliers consiste beaucoup dans la médiocrité de leurs talents et de leurs fortunes.

Une république où les lois auront formé beaucoup de gens médiocres, composée de gens sages, se gouvernera sagement ; composée de gens heureux, elle sera très heureuse.

LIVRE V - REPUBLIQUE, DEMOCRATIE, LIBERTE - MONTESQUIEU

DES SAVANTS

"Tandis que j'étais endormi, une brebis a brouté la couronne de lierre qui ornait ma tête, - et en mangeant elle a dit : "Zarathoustra n'est plus un savant".

Après quoi elle s'en alla, dédaigneuse et fière. Un enfant me l'a rapporté.

J'aime à être étendu, là où jouent les enfants, le long du mur lézardé, sous les chardons et les rouges pavots.

Je suis encore un savant pour les enfants et aussi pour les chardons et les pavots rouges. Ils sont innocents même dans leur méchanceté.

Mais je ne suis plus un savant pour les brebis : Tel est mon lot, - qu'il soit béni !

Car la mer veut être baisée et aspirée par le soleil altéré ; elle veut la porte derrière moi.

Trop longtemps mon âme affamée était assise à leur table, je ne suis pas, comme eux, dressé pour la connaissance comme pour casser des noix.

J'aime la liberté et l'air sur la terre fraîche ; j'aime encore mieux dormir sur des peaux de boeufs que sur leurs honneurs et leurs dignités. Je suis trop ardent et trop consumé de mes propres pensées : j'en perds souvent le souffle. Alors il me faut aller au grand air, loin des chambres pleines de poussière.

Mais eux sont assis au frais, à l'ombre fraîche : ils veulent partout n'être que des spectateurs et ils se gardent bien de s'asseoir où le soleil brûle les marches.

Pareils à ceux qui stationnent dans la rue et qui, bouche bée, regardent les passants, ils attendent et regardent, bouche bée, les pensées imaginées par d'autres.

Les touche-t-on de la main, ils font de la poussière autour d'eux, comme des sacs de farine ; mais qui donc se douterait que leur poussière vient du grain et de la gloire dorée des champs d'été !

Lorsqu'ils se croient sages, je suis horripilé de leurs petites sentences et de leurs vérités : leurs sagesse a souvent une odeur de marécage : et, en vérité, j'ai déjà entendu les grenouilles coasser dans leur paroles !

Ils sont adroits, leurs doigts sont agiles : que vaut ma simplicité auprès de leur complexité ! Leurs doigts s'entendent à tout ce qui consiste à enfiler, à nouer et à tisser ; ils tricotent les bas de l'esprit !

Ce sont de bons mouvements de pendules : pourvu que l'on ait soin de les bien remonter ! Alors elles indiquent l'heure sans se tromper et font entendre en même temps un modeste tic-tac.

Ils travaillent, semblables à des moulins et à des pilons : qu'on leur jette seulement du grain ! - ils s'entendent à moudre le blé et à le transformer en une poussière blanche.

Ils se surveillent les doigts les uns aux autres et se défient des meilleurs d'entre eux. Inventifs en petites malices, ils épient ceux dont la science est boiteuse, - ils guettent comme des araignées.

Je les ai toujours vus préparer leurs poisons avec précaution ; et toujours ils couvraient leurs doigts de gants de verre.

Ils savent aussi jouer avec des dés pipés ; et je les ai vus jouer avec tant d'ardeur qu'ils en étaient couverts de sueur.

Nous sommes étrangers les uns aux autres et leurs vertus me déplaisaient encore plus que leurs faussetés et leurs dés pipés.

Et lorsque je demeurais parmi eux, je demeurais au-dessus d'eux. C'est pour cela qu'ils m'en ont voulu.

Ils ne veulent pas entendre dire que quelqu'un marche au-dessus de leurs têtes ; aussi ont-ils mis du bois, de la terre et des immondices entre moi et leurs têtes.

Ainsi ont-ils étouffé le bruit de mes pas ; et jusqu'à présent ce sont les plus savants qui m'ont le moins bien entendu.

Ils ont mis entre eux et moi toutes les faiblesses et toutes les fautes des hommes : - dans leurs maisons, ils appellent cela " un double plancher".

Mais malgré tout je marche au-dessus de leurs têtes avec mes pensées ; et quand même je voudrais marcher sur mes propres défauts, je marcherais encore au-dessus d'eux et de leurs têtes.

Car les hommes ne sont point égaux ; ainsi parlait la justice. Et ce que je veux, ils n'auraient pas le droit de le vouloir !" 

Ainsi parlait Zarathoustra

La peur de la vie, la peur des charges et des devoirs, des ennuis et des catastrophes !

La peur de la vie qui fait, dans l'épouvante où l'on est de ses douleurs, que l'on se refuse ses joies !

Il faut vivre, vivre tout entier, vivre toute sa vie, et plutôt la souffrance, la souffrance seule,

que ce renoncement, cette mort à ce qu'on a de vivant et d'humain en soi ! 

ZOLA - Docteur Pascal

Un jour, devant Socrate, quelqu'un se fâcha qu'un autre ne lui eût pas rendu son salut : "Il y a de quoi rire, dit-il. Tu ne te fâches pas, quand tu rencontres quelqu'un de corps grossier : mais tu t'affliges de rencontrer quelqu'un d'âme grossière".

Un autre disait qu'il mangeait sans plaisir : "Acumène, lui dit-il, enseigne un excellent remède. - Lequel ? - Manger peu, répondit-il ; on vit ainsi plus agréablement, à moins de frais et sainement".

Un autre se plaignait que l'eau qu'il buvait chez lui était chaude : "Ainsi, lui dit Socrate, lorsque tu voudras t'y baigner, elle sera chaude. - Mais elle est trop froide pour le bain. - Tes serviteurs se plaignent-ils d'en boire et de s'y baigner ? - Non, par Zeus, fit l'autre ; et je me suis même étonné souvent qu'ils eussent tant de plaisir à se servir de cette eau pour ces deux fins. - Mais, dis-moi, laquelle est plus chaude à boire, ton eau ou celle du temple d'Esculape ? - Celle d'Esculape. - Et laquelle est plus froide pour se baigner, la tienne ou celle du temple d'Amphiaraüs ? - Celle d'Amphiaraüs. - Réfléchis donc, conclut Socrate, que tu risques d'être plus difficile que tes esclaves et que les malades".

Un maître avait durement châtié son valet ; Socrate lui demande ce qu'avait bien pu faire ce serviteur. "Il est très gourmand, extrêmement paresseux, il aime l'argent et il ne fait rien. - As-tu jamais considéré qui mérite le plus de coups, de toi ou de ton serviteur ?"

Quelqu'un hésitait à faire le voyage d'Olympie, "Qu'appréhendes-tu donc, questionna Socrate ? Ne te promènes-tu pas, même chez toi, toute la journée ? En te rendant à Olympie, tu te promèneras, puis dîneras ; te promèneras encore, souperas et te reposeras. Ne sais-tu pas que si tu mettais bout à bout tes promenades pendant cinq ou six jours, tu irais facilement d'Athènes à Olympie ? Et il est plus agréable de partir un jour plus tôt qu'un jour plus tard ; c'est pénible, en effet, de mettre les bouchées doubles ; mais par contre, il est bon d'avoir du temps devant soi. Mieux vaut donc se hâter pour partir que pour arriver".

Un autre se disait exténué d'avoir fait une longue marche ; Socrate lui demanda s'il portait une charge. "Non, par Zeus ; seulement mon manteau, fit-il. - Voyageais-tu seul, dit Socrate, ou accompagné d'un valet ? - Accompagné. - Etait-il libre ou chargé ? - Il portait les couvertures et autres bagages. - Et comment s'est-il tiré du voyage ? - Mieux que moi, à ce qu'il semble. - Quoi donc ? fit Socrate. S'il t'avait fallu porter son fardeau, comment alors t'en serais-tu trouvé ? - Mal, par Zeus ; ou plutôt, je n'aurais pas même pu le porter. - Est-ce d'un homme exercé à la gymnastique de ne pouvoir supporter la fatigue aussi bien que son    esclave ?"

XENOPHON  - Les Mémorables  

Un article d'HISTORIA

ON NE PASSE PAS SOUS UNE ÉCHELLE

Catherine Salles

Lorsque vous voyez devant vous ce perchoir appuyé contre un mur, hésitez-vous à passer dessous ou bien, sans éprouver la moindre crainte, continuez-vous votre chemin ? Un dilemme qui remonte aux Romains.

Une superstition, bien ancrée en France, veut que passer sous une échelle soit de mauvais augure. Comment un tel objet utilitaire, complètement banal en somme, a-t-il pu se charger d'une force aussi inquiétante ? En fait, l'échelle a toujours été considérée comme le symbole de la verticalité entre le ciel et la terre ; elle représente les échanges entre le monde divin et le monde terrestre. Conséquence de cette signification emblématique, l'échelle est également le signe d'ascension et de progression vers la perfection.

ELLE FAIT COMMUNIQUER LE CIEL ET LA TERRE

Ce symbolisme se rencontre dans presque toutes les civilisations, chez les Égyptiens l'échelle de Râ autorise ceux qui la gravissent à voir les dieux, les Indiens d'Amérique pour qui une échelle permet d'atteindre l'arc-en-ciel ou encore dans l'hindouisme. En Occident, son importance est illustrée par le célèbre récit de l'échelle de Jacob, qui se trouve dans la Bible au livre de la Genèse.

Pourchassé par son frère Ésaü, auquel il a subtilisé son droit d'aînesse et la bénédiction de leur père, Isaac, Jacob doit fuir au loin. Une nuit, très fatigué, il se couche sur le sol et s'endort. Il voit alors en songe une échelle dont le sommet touche le ciel et sur laquelle montent et descendent des anges. Dieu lui apparaît et lui promet une nombreuse descendance ainsi que la possession de la terre sur laquelle il a trouvé le sommeil.           « Ce n'est rien moins que la maison de Dieu et la porte du ciel ! » s'écrie Jacob en signe de respect. Il prend la pierre sur laquelle il avait posé sa tête, en fait une stèle sacrée et donne au lieu le nom de Béthel maison de Dieu. Sans doute cette représentation imagée de la relation entre le divin et l'humain a-t-elle été inspirée au rédacteur de cet épisode par les tours à étages de Mésopotamie, les ziggourats, ces temples qui font communiquer la terre et le ciel.

L'échelle de Jacob apparaît donc comme le symbole de la communication entre Dieu et les hommes. Pour les Pères de l'Église, les barreaux de l'échelle symbolisent les gradations des exercices, qu'il faut franchir l'un après l'autre pour passer de l'état charnel à l'état spirituel, ce qui permet de quitter la condition terrestre pour accéder    à l'état angélique. Ils interprètent les anges qui montent comme le signe de la vie contemplative, ceux qui descendent comme le signe de la vie active. Le nombre des barreaux varie par ailleurs selon les interprétations. Pour les uns, ils sont sept, en référence aux couleurs de l'arc-en-ciel ou aux planètes du Système solaire ; pour les autres, en plus grand nombre, ils renvoient aux différentes vertus. Quant à Jésus, il se présente comme la nouvelle échelle ouvrant aux hommes le chemin du ciel. On considère que l'échelle forme avec le mur et le sol un triangle sacré réservé à Dieu, ce qui implique qu'il est interdit de pénétrer dans cet espace en passant dessous.

UNE SOMBRE HISTOIRE DE GIBET

De là vient la superstition selon laquelle celui qui ose entrer dans ce triangle, commettant un sacrilège, est voué aux puissances infernales. Cette superstition est renforcée par le fait que, lors de la crucifixion de Jésus, une échelle était appuyée contre la Croix, ce qui contribue à lui donner un caractère sinistre. En France et en Angleterre, les condamnés à mort passaient sous une échelle appuyée contre le gibet, alors que le bourreau la contournait.

Comment conjurer le mauvais sort si, imprudemment, vous avez le malheur de passer sous une échelle ? En crachant trois fois à travers les barreaux ou en croisant les doigts. Dans le cas d'une échelle double, le symbolisme est différent : les deux parties égales unies par la barre du sommet sont comparables à une balance, ce qui renvoie à la justice immanente. Son caractère sacré est tout aussi fort et passer dessous entraîne la malédiction. Dans certaines régions, on considère comme néfaste de tendre un objet à quelqu'un à travers les barreaux, car c'est aussi une profanation du triangle sacré. Que d'interdits attachés au fait de passer sous une échelle ! Mais le premier danger encouru n'est-il pas, plus prosaïquement, de recevoir sur la tête le pot de peinture tenu par l'ouvrier juché au sommet ?

LE BONHEUR

"Une hirondelle ne fait pas le printemps, ni non plus un seul jour : et ainsi la félicité et le bonheur ne sont pas davantage l'oeuvre d'une seule journée, ni d'un bref espace de temps."

ARISTOTE

LA CONSCIENCE ET L'INCONSCIENT

"A chaque époque, l'idéologie dominante se trouve être l'idéologie de sa classe économiquement et politiquement dominante."

Karl MARX (1845)

LE DESIR

"Tout plaisir, dans la mesure où il s'accorde avec notre nature, est donc un bien ; mais tout plaisir n'est pas cependant nécessairement souhaitable."

EPICURE

LES ECHANGES

"En dirigeant son industrie de manière que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à son propre gain ; en cela comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas nécessairement ce qu'il y a de plus mal pour la société que cette fin n'entre pas dans ses intentions."

Adam SMITH (1764)

"Le prix du marché de chaque marchandise particulière est déterminée par la proportion entre la quantité de cette marchandise exixtant actuellement au marché et les demandes de ceux qui sont disposés à en payer le prix."

Adam SMITH (1764)

LA LIBERTE

"Il faut aborder les leçons, dans l'intention non pas de changer le fond des choses ..., mais les choses étant autour de nous comme elles sont par nature, de conformer nous-mêmes notre volonté aux événements."

EPICTETE

LA MORALE

"Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme un fin, et jamais simplement comme un moyen."

KANT (1785)

LA RAISON

"Savoir pour prévoir, afin de pouvoir."

Auguste COMPTE (1830)

Merci à JMC pour son commentaire

Si Nietzsche était misogyne ? Oui et alors ? D'abord, avait-il peut-être ses raisons ... Que la raison même philosophique peut ignorer (!). Ensuite, de Platon et Aristote à Saint Augustin, Spinoza, Luther et Calvin, ceux des lumières, Hegel, etc. etc. ... Si l'on devait excommunier tous les penseurs ayant fait preuve de misogynie ... Ou de préjugés radicaux raciaux, que serait ce monde ? ... Un enfer sur terre. Tout remettre dans son contexte, est la seule façon acceptable de raisonner. D'éviter une dictature de la bien-pensance.